Nanoplastiques dans les océans : une pollution invisible ?
Quand on parle de pollution plastique des océans, on imagine bien de vastes étendues de déchets flottants et dérivants au gré des courants marins. Mais ce n’est en réalité qu’une partie de la pollution océanique… Une fois dans l’eau, les détritus en plastique se décomposent en plus petits morceaux, les microplastiques. En 2010, on estimait déjà qu’entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique, issues de déchets, dérivaient dans les océans. La masse totale des microplastiques représentait entre 93 et 236 milliers de tonnes soit à peine 1 % du volume précédent. Où sont passés les 99 % restants ? C’est ce que les scientifiques de l’Expédition 7e Continent ont cherché à découvrir en partant à la recherche des nanoplastiques dans les océans en juin 2015 à bord du voilier Guyavoile.
À la recherche du nanoplastique océanique
Hypothèses sur l’existence du nanoplastique
Jusqu’en 2015, date de l’Expédition 7e Continent, les nanoplastiques n’avaient encore jamais pu être observés dans les échantillons d’eau marine. Leur existence reposait sur des hypothèses et expériences en laboratoire. Les scientifiques savaient que les déchets en plastique se décomposaient en plus petits morceaux sous l’influence combinée :
- des rayons ultraviolets du soleil ;
- de l’hydrolyse ;
- des ondes physiques et de la force des vagues.
Il en résultait des mésoplastiques, débris de plastique pouvant mesurer de 5 mm à 20 cm, des grands microplastiques, d’une taille comprise entre 1 et 5 mm et des petits microplastiques mesurant de 20 μm (micromètres) à 1 mm. En revanche, même si les scientifiques estimaient que le processus devait se poursuivre à plus petite échelle (1 à 999 nm pour nanomètre), aucune observation n’avait pu confirmer ces suppositions.
C’est pourquoi une équipe de chercheurs a embarqué en juin 2015 pour une croisière scientifique en direction du gyre subtropical de l’Atlantique Nord. Les gyres sont des endroits où les courants se rencontrent et forment des tourbillons. C’est donc une zone de forte concentration de plastiques, car les déchets s’y retrouvent piégés.
Le voilier de l’expédition était équipé de filets pour capturer les microplastiques. Les chercheurs avaient aussi emporté des bouteilles en verre destinées à récolter des fractions colloïdales d’eau de mer. Le colloïde est un mélange homogène d’eau et d’éléments non dissous. Si les particules de nanoplastique existent, elles devraient donc être présentes dans ces fractions colloïdales.
Résultats des analyses de l’eau du gyre océanique
Afin de pouvoir démontrer la présence de nanoplastiques dans le gyre subtropical de l’Atlantique Nord, les scientifiques de l’Expédition 7e Continent ont, au préalable, acheté différents échantillons de plastique notamment du polyéthylène (PE) et du latex de polystyrène (PLP). Ils ont ensuite collecté différents échantillons de fraction colloïdale d’eau de mer dans les bouteilles en verre.
L’objectif était de soumettre les échantillons achetés et ceux que les chercheurs ont collectés à différentes analyses physiques et chimiques. La spectrométrie de masse devait par exemple permettre de déterminer s’ils avaient bien des caractéristiques identiques et la même identité chimique.
Les résultats de ces premières analyses ont été très surprenants. L’expérience a bien démontré la présence de nanoplastiques dans le gyre de l’Atlantique Nord. Les chercheurs ont aussi prouvé que la signature chimique des particules nanométriques n’était pas d’origine naturelle. En revanche, les particules de nanoplastique examinées avaient une composition très différente de celle attendue par les scientifiques…
Nanoplastiques dans les océans : des découvertes inquiétantes
Une composition différente des autres déchets plastiques
Lors du prélèvement des échantillons, les scientifiques de l’Expédition 7e Continent ont également récolté des mésoplastiques et microplastiques. Après analyses, ils s’est avéré que si les grands microplastiques étaient constitués de PE et de polypropylène (PP), les microplastiques de plus petites tailles et les nanoplastiques contenaient aussi du polystyrène (PS), du chlorure de polyvinyle (PVC) et du polytéréphtalate d’éthylène (PET).
Or, si les nanoplastiques dans les océans proviennent de la dégradation de plus gros débris, leur composition n’aurait pas dû inclure de nouveaux éléments. Cela suggère que certains polymères peuvent se dégrader plus rapidement pour s’accumuler à l’échelle nanométrique. L’ampleur de leurs impacts environnementaux est donc peut-être encore sous-estimée.
Des impacts sur l’environnement encore mal connus
Lors de l’Expédition 7e Continent de juin 2015, les chercheurs ont estimé que les concentrations des grands microplastiques en surface se situaient entre 10 000 et 250 000 pièces/km². Pour les petits microplastiques, les densités variaient de 500 000 à 7 000 000 de pièces/km². Ces chiffres sont similaires aux précédentes observations menées dans les gyres océaniques. Ils laissent penser que la concentration en nanoplastique serait encore plus importante.
Néanmoins, celle-ci reste à déterminer, car, si les nanoplastiques ont des caractéristiques différentes de celles des déchets plastiques qui flottent à la surface de nos océans, il faut pouvoir étudier comment ils se répartissent et continuent à se dégrader dans les eaux maritimes.
Pour arriver à mieux cerner l’impact environnemental de cette pollution invisible des océans, les scientifiques devront répondre à de nombreuses questions telles que :
- Les microplastiques de petites tailles et les nanoplastiques s’accumulent-ils dans les mêmes zones géographiques que les microplastiques ?
- Comment se répartissent-ils sous la surface ?
- Sont-ils présents dans le continuum naturel de l’eau, des continents jusqu’aux océans ?
- Les nanoplastiques se dégradent-ils plus rapidement que les microplastiques ? Existe-t-il au contraire une accumulation de plastique à l’échelle nanométrique ?
Trouver rapidement des réponses à ces questions est un véritable enjeu environnemental. En effet, ces particules de nanoplastiques sont un danger pour la faune et flore océanique. Le plancton et les mammifères marins risquent de les ingérer. De plus, elles sont responsables de la dispersion d’espèces microbiennes et colonisatrices. Les bactéries peuvent se fixer sur les nanoparticules. Celles-ci transportent alors des organismes marins et des contaminants organiques dans diverses zones des mers et océans.
L’Expédition 7e Continent de juin 2015 a permis de démontrer l’existence d’une immense pollution pourtant invisible à l’œil nu. À présent, d’autres études et recherches sont en cours afin de mesurer précisément les conséquences environnementales et sanitaires des nanoplastiques dans les océans.
Source : Nanoplastic in the North Atlantic Subtropical Gyre
Article rédigé par Laura Pouget au cours de la formation en rédaction web seo chez Formation Rédaction Web. La relecture scientifique a été réalisée par Valérie Pruneta, docteur en biochimie.