Les nanoplastiques, vecteurs potentiels de contaminants
Emballages alimentaires, textiles, objets divers, bâtiment, transports, agriculture… Depuis les années 40, les matières plastiques sont incontournables. Leur longévité exceptionnelle a garanti leur succès. Mais la contrepartie de cette durabilité, c’est un problème écologique sans précédent. Chaque année, des millions de tonnes de matériaux synthétiques finissent dans la nature. Poussés par les vents, ils rejoignent en partie les mers et les océans. Là, les débris s’accumulent au gré des courants marins et forment des masses gigantesques dans les gyres, des zones de grands tourbillons. Dans ces « vortex de déchets », les mouvements permanents brassent les détritus et les fragmentent. Les morceaux se dégradent encore et encore sous l’action combinée des vagues, des rayons ultraviolets et du sel jusqu’à devenir microplastiques, puis particules nanométriques. Ces nanoplastiques pourraient-ils être des vecteurs potentiels de contaminants ? Pour le savoir, les scientifiques ont observé en laboratoire des échantillons prélevés par l’équipe de l’Expédition 7e Continent puis mesuré leurs interactions avec les métaux lourds.
Un problème environnemental de la taille d’un continent
10 % du plastique fabriqué chaque année souille les océans. Bouteilles, bouchons, sachets ou gobelets : cette pollution est visible et encombrante. Elle menace directement les animaux marins et leur habitat. Mais une partie de ce problème environnemental est dissimulée : la contamination chimique.
Une menace invisible
Les objets synthétiques contiennent des additifs délétères issus des processus de production. Ainsi, lorsque les plastiques se dégradent, ils libèrent des substances nocives dans l’écosystème. Celles-ci perturbent l’équilibre des biomes aquatiques.
Ce n’est pas tout ! Les matériaux détériorés en nanoparticules possèdent des propriétés de surface permettant de fixer des polluants organiques persistants (POP), et des métaux lourds (les éléments traces métalliques ou EMT). Par ce mécanisme, les toxiques qui souillent l’eau s’ajoutent à ceux que ces déchets comportent déjà. Le constat est alarmant, car les courants océaniques pourraient disséminer cette contamination invisible dans des zones moins touchées par la présence humaine.
De microplastiques en nanoplastiques
Pour mesurer les conséquences de la pollution plastique, plusieurs projets scientifiques ont vu le jour. Parmi les polymères observés, les microplastiques sont les plus analysés. Ces particules macroscopiques sont partout. Elles altèrent les réserves d’eau potable, les sols cultivables et l’air que nous respirons.
Interpellés par cette situation, les chercheurs affinent leurs études et s’intéressent désormais aux débris les plus petits.
L’existence des nanoplastiques marins n’a été que très récemment mise en évidence. Ces débris invisibles sont le produit non intentionnel de la dégradation mécanique et photochimique des plus gros déchets présents dans l’écosystème. Le résultat ? Des fragments de taille nanométrique, de forme hétérogène et asymétrique. De vraies bombes environnementales.
Les nanoplastiques sont-ils des vecteurs potentiels de contaminants ? Expérimentation
Aucune étude scientifique ne s’est intéressée auparavant à la capacité de fixation des nanoparticules. Néanmoins, des recherches précédentes ont quantifié les métaux lourds présents dans les microplastiques marins. Les résultats de ces analyses ont mis en évidence des taux bien supérieurs à ceux relevés dans les matières plastiques neuves !
La méthode
Les nanoplastiques peuvent-ils se lier aux éléments traces métalliques ? Afin de le déterminer, l’équipe de l’Expédition 7e Continent a prélevé du sable parsemé de débris synthétiques sur la plage de la baie Sainte-Marie, en Guadeloupe. Puis, ces paillettes visibles à l’œil nu ont été isolées pour être observées en laboratoire.
Dans un premier temps, les scientifiques ont fragmenté les microplastiques en nanodébris. Ils se sont appliqués à reproduire les conditions de dégradation des matériaux en milieu naturel. Pour cela, les chercheurs ont soumis les pièces collectées à l’action de rayons ultraviolets combinés à une salinité et à un taux d’oxygène semblables à ceux des océans.
Sous l’effet de ces trois conditions, les microparticules se sont érodées en nanoparticules de tailles et de formes diverses, visibles au microscope électronique.
Ensuite, les experts ont choisi d’étudier les réactions entre les nanoplastiques obtenus et le plomb, un métal toxique possédant une grande affinité avec la matière organique.
Ils ont réalisé divers tests d’adsorption afin de déterminer la capacité de fixation du plomb sur les nanoparticules plastiques. L’adsorption désigne tout phénomène de rétention de composé à la surface d’un solide.
Les résultats
Lors des expérimentations, le plomb s’est considérablement lié au NPG, le nanoplastique guadeloupéen, par adsorption spécifique et diffusion intraparticulaire. L’étude a ainsi prouvé que les nanoparticules dégradées par les conditions naturelles et oxydées par les rayons UV sont susceptibles de retenir de grandes concentrations de métaux.
L’analyse a par ailleurs identifié 2 points conséquents :
- le taux de plomb fixé par les NPG dépend du pH du milieu marin ;
- l’adsorption du plomb par les NPG résulte des interactions chimiques et physiques qui s’exercent dans l’océan.
La conclusion de ces observations est préoccupante : les NPG sont de forts adsorbants de plomb. Leurs capacités de rétention sont nettement supérieures à celles des microplastiques échoués sur les plages. Par conséquent, les nanoplastiques produits dans les conditions environnementales pourraient transporter certains toxiques comme les éléments traces métalliques.
Mais qu’en sera-t-il demain ? Si la présente étude a exposé le risque que les nanoplastiques soient des vecteurs potentiels de contaminants, les conséquences écologiques à long terme restent à déterminer. Cette pollution insidieuse pourrait-elle empoisonner toute la chaîne alimentaire ? Le danger est bien réel, car les particules de polymères nanométriques sont trop fines pour être ramassées. Mais l’homme n’est pas sans moyens d’action. La prise de conscience collective entraîne l’élaboration de solutions efficaces pour recycler, réduire et réemployer le plastique. Une chose est sûre, alors que le combat contre ce fléau ne fait que commencer, le changement de mentalité passera par l’éducation, la prévention et l’information.
Source : Are nanoplastics able to bind significant amount of metals? The lead example
Article rédigé par Laetitia Babicz au cours de la formation en rédaction web seo chez Formation Rédaction Web. La relecture scientifique a été réalisée par Valérie Pruneta, docteur en biochimie.