Nanoplastiques : que sait-on de ces fragments microscopiques ?
Ce n’est un secret pour personne : nos océans sont malheureusement envahis de plastique. Alors que des millions de bouteilles flottent à leur surface, des morceaux de plastique bien plus petits intéressent les scientifiques : les microplastiques et les nanoplastiques. Les premiers sont étudiés depuis quelques années, mais encore peu de recherches concernent les seconds. Leur définition même est débattue entre les spécialistes. Dès lors, qu’est-ce qui caractérise un nanoplastique ? Que savons-nous de leur forme, leur comportement, leurs particularités ? Que reste-t-il à découvrir ? C’est sur ces questions que Julien Gigault et son équipe de chercheurs se sont penchés. Préparez-vous à plonger au cœur des nanoparticules.
Définition d’un nanoplastique
Des plastiques catégorisés par leur taille, mais pas seulement
Depuis quelques années, les scientifiques portent beaucoup d’attention aux microplastiques, des fragments de plastique de 1 mm à 5 mm de longueur. Ceux-ci sont issus de la dégradation du plastique sous l’effet des rayons Ultraviolet (UV), des changements de températures ou même de la force des courants. Le terme « micro » est utilisé ici au sens de sa racine grecque « petit » et non pas au sens du suffixe de l’échelle métrique.
Pour les nanoplastiques en revanche, il n’existe pas encore de définition universelle. Sur la base des recherches récentes et de leurs travaux, le scientifique Julien Gigault et son équipe en proposent une. Pour eux, les nanoplastiques sont des particules d’une taille comprise entre 1 nm et 1 000 nm, résultant de la dégradation d’objets en plastique industriels et pouvant présenter un comportement colloïdal (dispersion de particules dans un liquide). Ces nanoplastiques pourraient se former à l’occasion de la décomposition des microplastiques vieillis, au cours du processus de fabrication du plastique ou bien lors de l’utilisation de l’objet. Ils ne sont donc pas uniquement définis par leur petite taille, mais également par leur processus non intentionnel de formation.
Ne pas confondre nanoplastiques et nanomatériaux
Le préfixe « nano » est utilisé uniquement pour correspondre aux termes « macroplastique » et « microplastique ». Les confusions sont fréquentes entre les nanoplastiques et les nanomatériaux. Cependant, il n’y a aucun lien entre ces éléments.
Selon l’International Standard Organization, un nanomatériau manufacturé est « produit intentionnellement à des fins commerciales dans le but d’obtenir des propriétés ou une composition spécifique ». Ces propriétés peuvent être physiques ou chimiques : la taille, la forme ou encore la surface. Elles ne peuvent être extrapolées aux nanoplastiques, il n’y a donc aucune analogie possible entre les deux.
Les particularités des nanoplastiques
Un comportement colloïdal à l’échelle nanométrique
Pour mieux comprendre le mouvement des nanoplastiques dans les océans, les scientifiques ont étudié le comportement de différentes particules de plastique dans l’eau : des macroplastiques, des microplastiques et enfin, des nanoplastiques.
À l’échelle macroscopique tout d’abord, la dispersion des particules est régie par leurs propriétés de flottabilité et de sédimentation. Ces propriétés sont corrélées à la forme (sphérique ou plane) et à la densité des particules. À l’échelle microscopique, les particules peuvent réagir avec des micro-organismes (comme les bactéries ou les phytoplanctons). Ceux-ci peuvent modifier leur flottabilité de manière positive ou négative.
Enfin, lorsque les particules atteignent l’échelle nanométrique, elles peuvent entrer en collision avec des molécules d’eau et d’autres espèces ioniques. Cela a pour conséquence d’empêcher leur sédimentation. Elles s’inscrivent alors dans un mouvement aléatoire, qu’on appelle le mouvement brownien. Il est détectable sur les particules de quelques micromètres, mais il est prédominant sur celles de quelques nanomètres.
Il n’est donc pas possible aujourd’hui de prédire les mouvements et les comportements des nanoplastiques dans les océans.
La difficulté d’établir un modèle unique pour les nanoplastiques
Les nanoplastiques, comme toutes les espèces colloïdales, peuvent s’associer avec d’autres colloïdes organiques et inorganiques dissous. Ils forment alors des agrégats, qui sont stables ou instables en fonction des conditions physiques (lumière UV, température) et chimiques (force ionique, pH) du milieu de dispersion. Cette association n’est cependant pas automatique et certaines particules conservent leur composition d’origine. Les nanoplastiques sont donc très polydispersés en termes de propriétés physiques, et hétérogènes en termes de composition.
Il n’existe donc pas de modèle unique de nanoplastiques. Leur comportement en matière de dispersion est très variable également : leur mouvement ne suit pas de schéma préétabli.
État des lieux de ce qu’on sait des nanoplastiques
Les caractéristiques connues des nanoplastiques
Voici, pour résumer, ce que la science a pu établir concernant les nanoplastiques :
- Ils sont formés de façon non intentionnelle.
- Ils proviennent de la fragmentation d’un macroplastique ou d’un microplastique.
- Ils mesurent entre 1 nanomètre et 1 micromètre.
- Ils ont des tailles très diverses.
- Leur forme est asymétrique et hétérogène.
- Leur surface n’est pas homogène et différentes espèces (matières organiques, trace de métaux, oxydes métalliques) y sont présentes.
- Ils forment des hétéroagrégats avec d’autres colloïdes naturels. Ils sont donc plus ou moins stables.
- Leur structure est ouverte et dépend à la fois du matériau de base et du processus de formation.
Avec ces caractéristiques, on peut se rendre compte que les nanoplastiques peuvent être très variés. C’est une des raisons pour lesquelles il est si difficile de les étudier. Il n’est pas possible d’établir un seul modèle, tant il existe de formes, tailles et compositions différentes de nanoplastiques.
Ce qu’il reste à découvrir grâce à la recherche
Il reste encore de nombreuses interrogations autour des nanoplastiques et il est urgent que la communauté scientifique s’y intéresse davantage. En particulier, il est nécessaire d’évoluer dans les techniques d’identification et de quantification des nanoplastiques dans les échantillons naturels. Quelques questions subsistent concernant leur structure et leur association avec des polluants ou des métaux lourds.
Il est également indispensable de développer des méthodes analytiques adaptées pour caractériser les propriétés physiques et la composition chimique de ces nanoplastiques. En effet, avec les microplastiques, ils représentent aujourd’hui la majorité des débris marins, mais il est encore difficile de les analyser en raison de leur petite taille et du manque de connaissances à leur sujet. Mieux les connaître permettrait de mieux comprendre leur impact environnemental.
La communauté scientifique ne s’accorde pas encore sur une définition universelle des nanoplastiques. Cependant, il y a un consensus sur le fait qu’il s’agit de très petits fragments issus de la dégradation de matière plastique industrielle. Il reste beaucoup d’inconnues concernant leur composition et leur comportement. En effet, ils s’associent souvent à d’autres particules et ont donc des tailles, formes et comportements très variés. Il est urgent de les étudier davantage afin de mieux les connaître : ces particules ont une incidence directe sur l’environnement et la santé des êtres vivants. La pollution que les plastiques provoquent dans les océans semble irréversible, et il est par conséquent nécessaire d’en ralentir leur présence à toutes les échelles, tout en comprenant leur impact de façon plus précise.
Source : Current opinion: What is a nanoplastic?
Article rédigé par Charlène Bertein au cours de la formation en rédaction web SEO chez Formation Rédaction Web. La relecture scientifique a été réalisée par Valérie Pruneta, docteur en biochimie.